Education et numérique : quels enjeux pour demain ?

Education et numérique : quels enjeux pour demain ?

Nul doute, la transformation numérique de l’éducation est en marche. Cependant, ce bouleversement n’est pas sans poser de questions, notamment parce qu’il met en évidence le fossé qui existe parfois entre les nouvelles technologies et la réalité du terrain. Celui-ci est notamment apparu lors du salon EduSpot dont la première édition se déroulait au Palais des Congrès à Paris, les 8, 9 et 10 mars 2017.

Nouvelles technos vs réalité de terrain

Côté nouvelles technologies, la réalité virtuelle commence à se frayer une place dans l’enseignement, tandis que l’intelligence artificielle trouve dans l’éducation un terrain naturel d’application, comme l’explique le chercheur Yves Demazeau, président de l’Afia (Association française pour l’intelligence artificielle), évoquant par exemple l’apprentissage profond ou la personnalisation de la formation.

Parallèlement, les acteurs de terrain se heurtent, eux, à des problématiques très concrètes. Ainsi, l’Inspecteur de l’Education nationale Philippe Roederer, délégué académique au numérique de l’académie de Créteil, souligne que pour créer des « écoles 100 % numériques », encore faut-il s’assurer que des prises électriques sont bien installées dans les établissements, ce qui est loin d’être toujours le cas. De la même manière, le président de l’université Paris-Sorbonne Barthélémy Jobert rappelle avoir initié un projet de rénovation de deux amphithéâtres pour les doter d’équipements numériques il y a déjà deux ans… Et raconte toujours attendre, pour des raisons techniques et administratives, la mise en œuvre de travaux dont le budget est pourtant bien prévu et disponible.

Enfin, si de nombreuses start-up investissent le créneau de l’éducation, nombre d’entre elles relatent aussi leurs difficultés face à ce marché particulièrement compliqué à pénétrer, pour des questions de culture, de centralisme, mais aussi de lourdeur administrative. Or, d’un point de vue très pragmatique, Victor Wacrenier, fondateur d’Appscho, souligne que « si dans l’Edtech on porte une vision sociétale, on reste des entreprises ».

Enjeux juridiques, pédagogiques, sociétaux

Outre les défis technologiques et financiers que doivent relever les acteurs du monde de l’éducation pour produire des outils adaptés (et utilisés) dans les classes, les enjeux sont également d’ordre juridique.

Directeur de l’éducation d’OpenClassroom, Erwan Poiraud donne l’exemple de cette start-up productrice de Mooc (Massive online open courses) qui délivre aujourd’hui des certificats reconnus au RNCP (répertoire national des certifications professionnelles) mais n’a « pas le droit de faire faire des stages aux étudiants car il faut justifier pour cela de 200 heures de cours. Comment faire lorsque la totalité du cursus se déroule à distance ? », interroge Erwan Poiraud. De même, « pour ouvrir un cursus en apprentissage, il faut avoir une classe d’au moins six élèves », explique-t-il, alors que le principe d’OpenClassroom est de proposer à chacun de s’inscrire à une formation au moment où il le souhaite et de la suivre à son rythme…

Et que dire des robots qui ne manqueront pas de faire leur apparition dans les classes, dont l’université américaine Georgia Tech a donné un aperçu en faisant dialoguer l’intelligence artificielle Jill Watson avec les étudiants, en lieu et place d’un assistant ?

Outre les questions juridiques, le tournant est aussi éminemment pédagogique car ce qui se joue avec le numérique, c’est une transformation, voire une remise en question, du rôle de l’enseignant. Plusieurs visions s’opposent : alors que certains continuent de mettre en avant celui qui transmet les savoirs, de plus en plus de voix plaident en faveur d’un accompagnateur, d’un facilitateur, éventuellement d’un coach selon le vocabulaire employé. Mais si les termes changent, l’enseignant conserve ici sa place centrale. A l’opposé, Nicolas Sadirac, fondateur de 42, développe la vision – avec un goût assumé de la provocation – d’« une école sans prof, considéré comme un ennemi au sens où il bride la créativité des élèves ». A 42, les étudiants apprennent seuls ou avec leurs pairs, et c’est un logiciel qui gère leur scolarité, leur conseillant de suivre tel ou tel cours, en fonction des résultats obtenus par les uns et les autres. « On laisse faire les choses, on récupère les données et on traite le hasard pour en déduire des chemins », affirme Nicolas Sadirac.

« Le passage à l’échelle, principal défi auquel sont désormais confrontés les acteurs de l’éducation engagés dans le numérique »

Plus largement, l’enjeu porté par le numérique est profondément sociétal : comprendre la pensée informatique va se révéler essentiel pour ne pas être laissé pour compte dans une société où les objets connectés et les algorithmes vont prendre une place considérable dans les années à venir. D’où l’importance d’enseigner non seulement l’informatique et le code aux plus jeunes, mais véritablement la pensée informatique elle-même, comme le prône notamment Sophie Pène, vice-présidente du Conseil national du numérique.

Face à ces enjeux, les initiatives individuelles se multiplient ici et là, sous l’impulsion de start-up, d’enseignants, parfois d’établissements. Pour autant, même dans une université investie en matière de numérique comme l’est Paris Descartes, seuls 10 % des enseignants fondent aujourd’hui leurs cours en amphithéâtre sur le BYOD (bring your own device), estime son chargé de mission EdTech Thierry Koscielniak. Voilà donc le principal défi auquel sont désormais confrontés les acteurs de l’éducation engagés dans le numérique : le passage à l’échelle, de manière à permettre à toutes et tous d’entrer de plain-pied dans cette révolution.

10 Responses

  1. lejuste says:

    les pédagogos sont toujours à la une. Microsoft les en remercie.

  2. J.T. says:

    Il y a un aspect du numérique à prendre en compte, face à sa complexité grandissante et ses nécessités extrêmement lourdes et élitistes de formation !

    Prenons un exemple : je suis un ancien projeteur qui a fait de l’informatique à ses débuts, travailler quelques langages à l’époque du Mac Intosh, et malgré cela, est extrêmement rebuté par la difficulté à intégrer toutes les fonctions d’un logiciel de CAO tel que FreeCAD (open source), alors que de dessiner un plan était si simple autrefois !
    Les conseils sont en anglais et déjà pas simple à comprendre en français. Les subtilités du logiciel (et se failles) ne sont connues et accessibles que de ceux qui ont créé l’outil…!

    Pas étonnant que tant de jeunes décrochent de toutes sortes de formation, alors que la technicité excessive fait tout pour décourager les bonnes intentions de ceux qui n’ont pas des compétences pointues très poussées et très spécialisées de créateurs d’outils logiciels.

    L’on ne prend plus en compte cet aspect temps et complexité de formation, qui vient EN PLUS d’autres formations professionnelles nécessaires de branches industrielles, elles aussi de plus en plus complexes, spécialisées.

    C’est parfois totalement non gérable, et explique pourquoi, comme au Japon, les suicides et stress, dépressions augmentent considérablement.
    L’on ne tient plus compte de la réalité des faits et ne teste même plus la faisabilité réelle de la gestion courante de telles complexités !
    Notre société déraille, quel organisme mondial va l’admettre, à limiter les concurrences imbéciles…, et l’excès de naissances en trop…, qui comme en Égypte vont vers l’absurde et sous peu vers une vague d’immigrations massive inacceptable et alors irrépressible !§!

    Il faut mondialement se décider à gérer TOUTES les dérives de ce monde…, sans en oublier une seule…! Donc d’y mettre massivement de l’intelligence artificielle, au lieu de laisser “gouverner”, abuser des foules, des excités revanchards …

  3. Gandee says:

    Apprendre à utiliser l’outil est clairement un atout. Mais il est hors de question d’enseigner le code et les algorithmes binaires à des enfants. La société numérique comporte de nombreux risques d’endoctrinement de l’inconscient sur des oppositions bipolarisantes. Il y a un risque d’augmentation de la violence.
    Il faut attendre les premiers algorithmes quantiques publics pour trouver la non nocivité réelle et de belles lignes pédagogiques qui vont avec.

    L’école sans professeur remplacée par des algorithmes binaires, j’ai devrais d’écrire un essai complet pour vous expliquer la stupidité du projet, mais bon, comme personne ne comprend les nouvelles sciences molles, pas de souci la société va vivre et cuire des avenirs sans avenir ou faire semblant d’avoir un algorithme intelligent qu’on appelle le cerveau humain qui gère une grande poubelle toujours remplie.

    Openclassroom a seulement à fournir un algorithme à l’éducation nationale, qui justifie d’une présence en ligne active de 200h correspondant au diplôme visé ou de garantir par statistiques “dures” les durées informatives sur ses formations.
    Si ils ne savent pas monter cet algorithme, je doute forcément de la qualité des programme informatique et de la qualité de l’organisme d’Etat qui les valide.

    MARIANNE

    • Jayce says:

      Euh, en quoi un algorithme “binaire” comme vous dites, est différent d’un algorithme quantique?
      Un algorithme c’est juste une série d’instructions, ça n’a rien de binaire, et un algorithme “binaire” (selon vos mots) utilise le même schéma de pensée qu’un algorithme quantique, à mois qu’un truc m’échappe.
      Des “algorithme quantiques” (je dirai des algorithmes pour ordinateurs quantiques) sont déjà publics; prenez l’algorithme de factorisation par exemple. Le problème c’est qu’à part factoriser, on ne sait pas faire grand chose d’autre sur un ordinateur quantique, pour le moment en tout cas.

  4. c'estpasdesnouvellestechnologies says:

    L’informatique existe depuis plus de trente ans, cela n’a pas tant évolué, il y aurait internet, c’est tellement le bordel qu’on ne trouve rien. Il y a des pages personnelles sur des sites d’hébergement, cela posait surement un problème de confidentialité, mais c’est vraiment très bien, cela a été remplacé par les pages des réseaux sociaux. Une page sur un réseau social, c’est très facile à faire (un peu trop), ils avaient un peu gommé les problèmes de confidentialité. En y regardant bien, c’est pas si bien, on peut cocher des trucs, tout doit être stocké sur des disques durs aux états unis (ils doivent surement faire travailler du monde la dessus, du renseignement ?), c’est trop formaté, c’est pas si confidentiel. La page internet en HTML (langage hypertext), demande un gros travail de programmation (il y a quand même des logiciels pour faire des pages internet à partir d’un traitement de texte), il y a des petites bidouilles à faire pour que la page s’affiche bien, il faut parfois rajouter des petits programmes (s’intéresser à d’autres langages de programmation; ça peut prend beaucoup de temps), en faisant attention, on peut éviter de mettre une adresse courriel quelque part sur le site internet, bien faire son fichier index. Il y a souvent beaucoup de maintenance à faire pour mettre à jour le site internet. Le smartphone serait aussi une nouvelle technologie, moi, je m’en sers jamais. On est obligé de choisir entre le smartphone, les réseaux sociaux, et la programmation, moi, je n’arrive pas à me faire au smartphone ni aux réseaux sociaux, j’ai un bagage informatique qui m’interdit ces nouvelles technologies, je risque de désapprendre les différents langages de programmation, comment les mélanger, etc … L’informatique existe depuis très longtemps, c’est pas le smartphone ni les réseaux sociaux qui vont changer grand chose.

  5. Ayant travaillé dans plusieurs pays, j’ai remarqué que l’école avait profondément changé avec l’émergence d’internet et des technologies (qui ne sont plus “nouvelles” d’ailleurs). Le nier ou l’ignorer ne rendrait pas service aux élèves. Encore faut-il que la pédagogie accompagne ce changement et c’est là l’un des enjeux majeurs en France. Le monde a profondément changé et nous n’apprenons aujourd’hui plus de la même façon, ni dans le même but. Il est donc indispensable que l’école s’adapte aux transformations de la société. Au cours des dernières années, j’ai eu la chance de faire des formations passionantes auprès de personnes comme Alan November, Ron Ritchhart (Project zero), Kath Murdoch ou du projet COETAIL qui apportent des solutions innovantes et concrètes pour faire en sorte que les élèves réfléchissent de façon critique, collaborent, explorent et créent de différentes manières. Le rôle de l’enseignant doit impérativement évoluer pour laisser place à davantage de questionnements de la part des élèves (inquiry-based teaching) qui sont actifs et indépendants dans leurs apprentissages. Dans l’approche de Ron Ritchhart (cultures of thinking), on comprend que pour changer l’école, il faut jouer sur plusieurs paramètres: l’environnement de la classe qui est souvent trop rigide et uniforme, les opportunités d’apprentissage qui doivent avoir du sens et impliquer activement les élèves en les faisant réfléchir et créer, ou encore développer un “growth mindset” en comprenant que les fautes sont nécessaires pour apprendre, etc. Je recommende aussi toujours à mes collègues de regarder un documentaire en anglais appelé “Most likely to succeed” qui pourrait également aider à faire évoluer les mentalités et s’inspirer de ce qui se fait ailleurs. Au lieu de se focaliser sur la place de Clovis ou du latin dans le curriculum, il est temps que la France se concentre sur les véritables facteurs qui pourraient faire changer l’école. Tout ceci ne constitue pas un ensemble de solutions immuables, mais de bonnes pistes de réflexion… parmi tant d’autres!

    • Pas d'accord says:

      1/ Les anciennes méthodes pédagogiques continuent de très bien fonctionner.

      2/ Le latin forme à la rigueur intellectuelle, permet de former des élèves cultivés. Il est beaucoup plus important que le dernier gadget pédago-numérique à la mode.

      3/ Le monde a sûrement changé, oui. Mais apprendre à réfléchir, se fait toujours de la même façon. L’apprentissage de l’esprit critique aussi.

      C’est amusant cette manie de vouloir changer les choses, par principe.

  6. Florence says:

    Merci beaucoup pour cet article !

  7. Les avis sont partagés quand on parle du numérique et de l’éducation. Mon avis est que si le numérique contribue à l’évolution de nos enfants, c’est bien. Si par contre il contribue à sa régression, là c’est un problème. Evidemment, tous les enfants ne réagissent pas de la même manière devant ce changement, mais si beaucoup deviennent paresseux (font une recherche sur le net et copie les réponses des devoirs), on va dans la mauvaise direction.

  8. ssii Paris says:

    L’éducation est un terrain sensible pour les grands changements. Si le numérique semble être une continuité normale, son introduction dans l’éducation sera un peu plus compliqué.

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