Où apprendra-t-on demain ?
On se pose souvent la question de la manière dont on apprend, et les nouvelles technologies ont fortement contribué ces dernières années à remettre en question les méthodes pédagogiques. Mais une autre question émerge désormais : celle des lieux d’apprentissage. Après le comment, c’est donc le où qui suscite aujourd’hui les réflexions, aussi bien des enseignants et chercheurs en neurosciences, mais aussi des designers et architectes.
Les futurs espaces d’apprentissage sont au cœur de la conférence annuelle organisée par Elig (European Learning Industry Group) qui rassemble des entreprises du secteur du e-learning, de l’informatique et de l’édition, des start-up edtech ainsi que quelques universités. Cette quatrième édition se tient à Paris les 3 et 4 novembre, en partenariat avec Edfab, le nouveau lieu, justement, que Cap Digital, pôle de compétitivité du numérique en Ile-de-France, a ouvert sur la thématique de l’innovation en éducation.
Des espaces qui se transforment…
En quoi des lieux différents changent-ils la manière d’apprendre ? D’abord, parce qu’ils permettent d’expérimenter d’autres méthodes pédagogiques. Les enseignants le savent : la configuration de la classe a un impact sur le travail des élèves. Il en va d’ailleurs de même en entreprise : l’ambiance d’une réunion, et le signal envoyé aux salariés, ne sont pas les mêmes si le responsable se tient debout face à ses équipes ou assis au milieu de ses collaborateurs. En particulier, le matériel mobile favorise le travail en groupe, quand les bancs d’amphi fixés au sol découragent plus d’un enseignant à se lancer dans une activité collaborative…
D’autres facteurs entrent aussi en ligne de compte : par exemple, la posture debout favorise, selon certains qui l’ont expérimentée, la productivité quand des études ont monté que rester assis pouvait être mauvais pour la santé.
A cet égard, il est significatif que nombre d’écoles et universités se transforment, créent de nouveaux espaces et investissent dans du matériel pour les équiper. Ainsi, une entreprise comme Steelcase, qui fournit des chaises et tables à roulettes, ainsi que des poufs et canapés, voit le chiffre d’affaire de son segment éducation augmenter, avec des commandes allant de 1.000 € pour quelques fauteuils jusqu’à un million pour un réaménagement total comme celui du campus de l’université Jean Jaurès (ex Le Mirail) à Toulouse.
…et d’autres qui se créent
Plus largement, l’apprentissage se fait aussi désormais hors des salles de classe proprement dites : à l’EM Lyon, les recoins des couloirs offrent des espaces de coworking quand à la Catho de Lille, c’est une cafétéria qui a été réaménagée pour accueillir les étudiants désireux de travailler tout en grignotant. Quant aux bibliothèques nouvelle génération, rebaptisées learning centers, elles associent les traditionnelles rangées de bureaux à des espaces plus cosys, dotés de poufs disséminés à même le sol.
Ici et là, les établissements ouvrent aussi des fablabs, ateliers de fabrication numérique où l’on trouve la désormais sacro-sainte imprimante 3D, mais aussi divers outils de bricolage, de la classique perceuse à la moderne découpe laser.
Vers des espaces d’apprentissage virtuels ?
Autant d’aménagements qui visent aussi à donner envie de venir sur le campus. Car telle est aussi la question : en facilitant le travail à distance, les nouvelles technologies vont-elles vider les établissements ? On imagine déjà les étudiants, tranquillement installés chez eux devant leur ordinateur ou, demain, chaussant leur casque de réalité virtuelle pour assister au cours.
En 2015, une université pour le moins atypique a vu le jour aux Etats-Unis, puisqu’elle n’a ni bâtiment ni salle de classe : à San Francisco, Minerva délivre des cours en ligne tout en organisant le travail des étudiants et en leur proposant des projets en groupe et du tutorat. Une chose, cependant, a été conservée de l’ancien modèle : les résidences universitaires qui permettent de vivre pleinement son expérience d’étudiant. Car pour beaucoup, ce moment particulier ne se limite pas à l’acquisition de connaissances.
6 Responses
Excellent article, merci ! Je pense qu’un corollaire de cette question du “où” est la question du “quand”. En effet, alors que le numérique permet désormais de dépasser le frontières autrefois naturelles de la salle de classe, l’amphi voire même l’école, il permet tout autant désormais de s’affranchir d’horaires stricts pour tous, et on peut très bien imaginer que demain, l’éducation n’aura plus besoin de d’heures de cours particulières, mais que chacun pourra assister au cours à l’heure qui lui convient, quand il lui convient, autant de temps qu’il lui convient. Peut-être pourra-t-on alors étudier en menant une seconde activité de front, comme un emploi, et par conséquent, peut-être pourra-t-on enfin reprendre des études en même temps que son emploi pour changer de voie ou évoluer. Beaucoup de perspectives à creuser à mon avis, qui risquent de remettre totalement en cause notre conception actuelle de la transmission de savoir, qui passe le plus souvent par un diplôme obtenu entre 20 et 23 ans : demain, peut-être pourra-t-on avoir accès à des diplômes plus cours, plus ciblés, tout au long de sa vie, sans avoir à interrompre ses activités ou à se déplacer à l’autre bout de la France.
Vous avez tout à fait raison. Comme ces formations seront bien entendu payantes (car si elles sont gratuites, c’est que l’état les finance, et l’état, c’est nous, et nous en avons marre de payer pour les autres), on pourra ainsi travailler durant la journée et étudier la nuit, ou l’inverse, de manière à rentabiliser le temps perdu, et qu’une moitié permette de financer l’autre.
On pourrai même imaginer que l’inscription soit subordonnée à la signature d’un contrat avec une entreprise innovante comme Uber ou une entreprise de livraison de n’importe quoi à domicile, et que vous puissiez être sollicité n’importe quand pour faire une course : comme vous pouvez étudier depuis votre casque de réalité virtuelle (que vous aurez loué 39,99 euros par mois plus les frais en fonction du débit), vous seriez tenu de répondre dans la minute.
Évidemment, au bout de trois refus ou retards, vous auriez une note éliminatoire à l’examen, mais on vous laisserait choisir la discipline, car vous êtes l’acteur de votre propre formation.
J’aimerais rappeler trois choses aux commentaires précédents:
1. Les journées ne continueront qu’à faire 24 heures… C’est très difficile de concilier travail à temps plein, études, vie sociale, repos.
2. Rien n’a changé dans l’apprentissage depuis des siècles! L’apprentissage repose sur la motivation, la persévérance, la rigueur, l’application, le goût d’apprendre, etc. Les TIC offrent certes d’intéressantes perspectives pédagogiques, mais je ne vois rien de révolutionnaire là-dedans.
3. L’enseignement à distance (où je veux, quand je veux) n’est pas applicable à tous, car il implique une grosse dose de motivation et d’organisation. De plus, le contact direct (face à face, en présentiel) entre le pédagogue et l’apprenant est un élément central, surtout pour les apprenants rencontrant des difficultés. Pas certain que le pédagogue soit disponible lui à n’importe quel moment…
Pourquoi séparez vous travail, étude et repos de vie sociale ? Je vous conseil de manière bienveillante à méditer sur la question.
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En France, le nombre d’élèves dits « numériques » dépasse pour la première fois le nombre d’élèves scolarisés dans un établissement conventionel. Un élève numérique ne sort pas de chez lui. Il travaille face à son écran, dans une classe virtuelle d’une cinquantaine d’élèves interconnectés, et dirigée depuis une salle de contrôle par un enseignant réel. Mais on attend toujours la récréation pour se rendre aux toilettes.
Ce qui est possible, peut-être, sur certains campus, relève un peu de la science-fiction dans un lycée lambda. Comment utiliser pleinement le numérique, quand la très grosse majorité des classes est composée de plusieurs rangées de tables, devant UN bureau équipé d’UN SEUL poste informatique ? Et quand il n’y a que trois ou quatre salles informatiques (quand tout fonctionne !…) dans tout l’établissement ?
L’innovation pédagogique doit aussi passer par une réflexion sur l’architecture et l’équipement des locaux !