Les learning centers, un luxe pour les universités ?
Ne dites plus BU (bibliothèque universitaire), dites learning centers. Depuis quelques années, on voit fleurir un peu partout en France ces lieux multifonctions, qui font bien sûr office de centre de documentation et d’espace de travail pour les étudiants, mais également de lieu d’exposition et de médiation scientifique.
Modernes et ultra-connectés, dotés de matériel high tech aussi bien que de poufs, canapés et tables basses, les learning centers sont le fruit d’investissements conséquents : 35 millions d’euros pour Lilliad, qui a ouvert à Lille à la rentrée 2016, 41 millions prévus pour le futur learning center de l’université Paris Saclay qui doit voir le jour en 2020 dans le quartier du Moulon… De quoi donner le tournis face aux difficultés financières que connaissent depuis plusieurs années les universités.
Doit-on considérer cet effort comme un investissement superflu alors que nombre d’étudiants continuent de faire la queue le week-end devant les bibliothèques municipales, simplement pour trouver une table et une chaise dans un endroit calme, propice au travail, où ils ne se laisseront pas distraire ?
S’agit-il d’une simple vitrine pour des établissements désireux de renouveler et renforcer leur image de marque, dans un environnement de plus en plus concurrentiel ? Sept ans après sa construction, le Rolex center de l’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne), devenu le symbole même de l’établissement, continue, d’en faire rêver plus d’un et de constituer l’archétype de ces bibliothèques du futur.
Ces questions, et leurs critiques sous-jacentes, traversent l’université. Cependant, s’ils contrastent en effet avec les images diffusées sur le web témoignant du manque de moyens des facs aux amphis bondés, les learning centers répondent à de réels besoins.
D’abord, parce qu’ils permettent aux étudiants de travailler où ils veulent et comme ils veulent : assis, debout, affalés voire « vautrés » pour reprendre le terme de l’ancien directeur général de VIA (Valorisation de l’innovation dans l’ameublement) Gérard Laizé… Surtout, alors que nombre d’amphis non seulement ne sont pas raccordés au wifi de l’université, mais en outre ne disposent même pas tout simplement de prises pour brancher son ordinateur, les learning centers constituent des lieux où l’on peut venir avec son propre matériel et se connecter : un besoin bien plus prégnant aujourd’hui pour les étudiants que d’avoir à sa disposition des rangées d’ordinateurs alignés dans une salle informatique.
Par ailleurs, les petites salles aménagées pour quatre à dix personnes, le plus souvent au sein d’espaces vitrés, sont bien adaptées au travail en groupe et en mode projet, un type de pédagogie qui se répand de plus en plus dans les universités.
Enfin, à l’heure du numérique et du développement des formations en ligne, il n’est pas inutile pour les universités de disposer d’un lieu physique où les étudiants peuvent se retrouver entre eux mais aussi croiser des enseignants, des chercheurs, des entreprises, des start-up… Car tel est bien le sens, in fine, de ces bibliothèques du futur qui se veulent des lieux de rencontres et d’échanges. En aucun cas, il ne s’agit de dire que les technologies remplaceront le contact humain. L’enjeu des learning centers est aussi de contribuer à l’ouverture des campus sur la ville et ses habitants. Un pari audacieux au vu des millions engagés, mais qui pourrait à terme profondément modifier l’image et l’impact de l’université dans notre société.