Enseignement supérieur : une autre excellence est-elle possible ?
La semaine dernière se tenait au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche une journée dédiée à l’innovation, et c’est sur le thème de l’excellence que s’exprimait Jean-Marie Ketele, un chercheur belge, membre du jury des Investissements d’avenir sur les formations innovantes (Idefi) en 2015.
Professeur émérite de l’université catholique de Louvain, Jean-Marie Ketele s’est attaché à dessiner les contours d’une « excellence sociale et sociétale » de l’enseignement supérieur, qui consiste à donner à chacun, élève ou institution, les moyens d’atteindre son propre niveau d’excellence, avec le souci de n’exclure personne. Une définition qui s’oppose à la traditionnelle conception élitiste de l’excellence.
Cette vision politique de la mission des écoles et universités fait émerger trois pistes de réflexion intéressantes, qui vont à l’encontre de certaines idées reçues.
Les classements internationaux peuvent faire reculer l’excellence
S’ils apportent une visibilité internationale recherchée par toutes les grandes écoles et universités, les classements impliquent de se conformer à leurs critères très normatifs, ce qui freine la mise en place d’innovations pédagogiques puisque, par définition, celles-ci sont nécessairement un peu décalées.
Or, c’est précisément ce pas de côté qui permet souvent de mieux s’adapter aux besoins individuels des étudiants, et partant de faire réussir le plus grand nombre d’entre eux. C’est ainsi que les rankings, par ailleurs utiles à la réputation de l’établissement, peuvent avoir un impact négatif sur l’excellence sociale et sociétale.
L’innovation, une injonction parfois paradoxale
Alors que le système actuel s’attache surtout à transmettre des connaissances de manière verticale, les recherches montrent que la collaboration et les pédagogies actives favorisent davantage la réussite. Or, passer d’un système à l’autre prend du temps. En effet, les innovations pédagogiques sont aujourd’hui le fait de ce que Jean-Marie Ketele appelle des « minorités actives », et leur diffusion relève souvent de l’informel. Le changement passe par des étapes lentes, mais nécessaires car l’innovation ne se décrète pas.
Un contrôle souvent contre-productif
Pour accélérer le mouvement, certains pourraient être tentés d’imposer aux enseignants d’utiliser, par exemple, des boîtiers électroniques pour rendre les amphis plus interactifs, ou de faire cours en classe inversée. Cependant, sans être un gage de réussite, ce système ne laisse pas la place aux initiatives locales de ceux qui voudraient développer d’autres innovations différentes. D’où l’idée qu’il faut parfois accepter de perdre le contrôle, tout en gardant le cap.
Des choix politiques à faire
Face à ces constats, les écoles et universités doivent faire des choix, qui constituent aussi des choix de société. Quel équilibre trouver entre, d’un côté, une nécessaire visibilité internationale et, de l’autre, des expérimentations qui pourraient localement favoriser la réussite et, in fine, aboutir à former davantage de diplômés, mais peut-être faire perdre quelques places dans les classements ? Par ailleurs, faut-il changer radicalement la manière d’enseigner et à quelle vitesse ? Enfin, comment valoriser les innovations sans pour autant les imposer ?
Autant de questions qui se posent aux établissements, mais demandent aussi une prise de position plus globale, politique.
7 Responses
Laisser la place aux initiatives locales de ceux qui voudraient développer d’autres innovations ???
Vous n’y pensez pas ! Que deviendraient les chefs ?
“ce qui freine la mise en place d’innovations pédagogiques”
Vu le résultat catastrophique des “innovations pédagogiques” dans le secondaire, on ne peut que s’inquiéter de ce que celles-ci pourraient produire dans l’enseignement supérieur !
Article interessant qui pose des questions sans imposer une “verite”. Pour une fois le Monde champion du “yaquafaucon” ne nous prends pas pour des idiots!
En France nous avons un systeme hypercomplique presque unique au monde. Par exemple on a, de plus en plus vide les facs des sciences au profit de “petites grandes ecoles d’ingenieur”, qui ont une vision a court terme, bien eloigne de la recherche, selon les voeux du Medef. Meme si l’on peut comprendre que le Medef ait une vision a court terme, l’etat lui doit avoir une vision a long terme en particulier via une formation via la recherche. a consequence de notre systeme est une faiblesse de la recherche privee.
Si les resultats de notre economie etaient flatteurs, il faudrait applaudir! Helas ce n’est pas le cas. Ds de nombreux pays les facultes des sciences continuent a jouer un role essentiel (le systeme US qui repose sur les facs, a bien des defauts certes (prix eleve pour les etudiants), mais il genere de l’innovation)
On peut helas douter que de vrais changements soient operes par nos gouvernants, dont la soumission aux volontes d’un Medef tres conservateur, n’est plus a demontrer
Il faudrait surtout une vision de l’éducation moins idéologique, qui tienne compte A LA FOIS, du niveau de connaissances indispensable pour entrer dans une filière déterminée, de la diversité des intelligences en termes d’acquisition de connaissances(intellectuelles ou manuelles), et, quand même, de la nécessité d’intégrer les besoins de l’économie à moyen et à long terme pour le maintien ou la création de nouvelles filières.
Pas mal de choses contestables :
* l’affirmation selon laquelle les critères des classements sont “normatifs” est discutable, sous réserve qu’elle soit compréhensible. Le mot “décalé” ne me semble pas figurer de façon nécessaire dans une définition de l’expression “innovation pédagogique”. L’affirmation selon laquelle l'”innovation pédagogique ” permet “souvent” de faire réussir “le plus grand nombre” des étudiants n’a rien d’évident (que signifie d’ailleurs “le plus grand nombre” ? Au moins 50,01 %? Davantage ? que signifie “réussir”? obtenir un diplôme ? autre chose ?).
* sur le second point, en quoi est-ce contre-productif de bloquer les initiatives “locales”?
* sur le troisième point, la perte de “quelques places dans les classements”, on imagine que personne ne s’en soucierait. Mais, sauf à supposer les classements essentiellement arbitraires, cet hypothétique recul est le symptôme de la régression d’un indicateur, par exemple de la quantité de travaux de recherche produits par l’établissement. Il n’est alors pas clair que le nouvel équilibre obtenu soit réellement désirable : plus de réussite des étudiants toutes choses égales par ailleurs qui pourrait être contre, mais il semble que ce n’est pas de ça qu’il s’agit.
Cessons le blabla : tout le monde sait qu’une meilleure “pédagogie” consiste en des cours particuliers pour un ou quelques étudiants, mais que cela coûte trop cher, alors les arnaqueurs font des “MOOC”, là c’est très très rentable. Pédagogiquement, c’est ridicule.
étant donné que l’auteur parle systématiquement “d’écoles et universités” – et non pas “d’universités et instituts de recherche” (ces derniers étant souvent les grands oubliés des classements du genre Shanghaï), on en déduit que cet argumentaire est un Nième pamphlet (en forme de coup d’épée dans l’eau ou de sauve-qui-peut, comme on voudra) destiné aux “grandes écoles” franco-françaises pour se rassurer… (= le coq qui chante avec les pattes dans le lisier).