Bientôt des examens sur ordinateur pour tous les étudiants ?
Après l’internat de médecine, dont les épreuves se déroulent depuis l’année dernière sur tablette, la numérisation des examens est-elle en passe de se généraliser ? Une start-up se développe sur ce créneau : TestWe qui a reçu le prix du public du concours sur les technologies numériques pour l’enseignement supérieur organisé par l’agence NewsTank, lors de la journée Think Education, le 7 février 2017.
Créée en 2014 par un duo de jeunes diplômés, Clément Régnier, juriste d’Assas, et Charles Zhu, ingénieur informaticien de l’Isep, cette start-up edtech propose aux écoles et universités de « digitaliser l’ensemble du processus des examens », de la création du sujet à la correction des copies.
Examen off-line
Les enseignants peuvent s’identifier via une plateforme en ligne et concevoir leurs évaluations, qu’il s’agisse d’un QCM (questionnaire à choix multiples) ou de quiz divers, mais aussi d’exercices faisant appel à de la rédaction comme les études de cas, les commentaires de textes ou les dissertations.
Pendant l’examen, les étudiants doivent utiliser leur propre ordinateur sur lequel ils ont installé un logiciel qui ne permet cependant pas de les authentifier, d’où la nécessité de continuer à organiser les examens en présentiel et de faire émarger les candidats. Mais ensuite, « une fois que le programme a démarré, il est impossible de sortir de l’interface d’examen sauf si l’étudiant rend sa copie, garantit Clément Régnier. Le système est totalement verrouillé : afin d’empêcher les fraudes, on ne peut pas lancer en parallèle une autre application ou un navigateur web ». En outre, la session, qui ne s’ouvre qu’à l’heure prévue pour le début de l’épreuve, se ferme automatiquement quand le temps imparti est écoulé.
Pour les fondateurs, la solution présente aussi l’avantage d’être off-line, c’est-à-dire qu’elle ne nécessite pas de connexion Internet, contrairement par exemple au système utilisé en médecine pour lequel un problème de configuration de serveur avait occasionné lors des premiers tests quelques bugs, résolus par la suite.
« Le système est totalement verrouillé de manière à empêcher les fraudes » (Cl.Régnier)
Eviter le transfert et la perte de copies
Côté logistique, TestWe entend aussi rationaliser l’organisation des examens, et notamment la gestion des copies, évitant d’une part de devoir les transmettre aux correcteurs – et éventuellement de les perdre, voire de se les faire voler comme cela était arrivé au concours de l’ENA – puis ensuite de les stocker pendant plusieurs mois ou années comme l’impose la loi, afin de les tenir à disposition des candidats qui souhaiteraient les consulter.
Alors que la numérisation est en cours pour la correction des copies du bac, la solution proposée par la start-up s’inscrit dans cette réflexion, en franchissant cependant une étape de plus.
D’ores et déjà, une petite dizaine d’établissements ont commencé à utiliser l’interface de TestWe, essentiellement des business schools (Skema, l’ESC Rennes, le campus de l’Essca à Shanghai) mais aussi le conseil supérieur du notariat. A toutes, TestWe propose un forfait unique, de 20 € par an et par utilisateur. « En moyenne, les écoles se servent de notre système 40 à 50 fois par an, pas seulement pour les examens finaux mais aussi pour les évaluations formatives, ce qui revient à 0,35 € par évaluation », estime Clément Régnier.
Quel bénéfice pédagogique ?
TestWe espère aussi toucher des universités, dont les effectifs sont cependant autrement plus importants : le coût atteindrait par exemple 500.000 € pour une université de 25.000 étudiants. Plus largement, imaginons que ce type de solution, développée par cette start-up ou des institutions publiques, était généralisé. Avec un million et demi d’étudiants sur les bancs de la fac, cela représenterait pour l’Etat un coût de 30 millions d’euros. Un investissement évidemment considérable, inimaginable en ces temps d’austérité budgétaire quand l’université doit d’abord faire face à d’autres priorités, à commencer par la hausse des effectifs et la réussite en licence.
Néanmoins, on peut mettre ce chiffre de 30 millions d’euros pour 1,5 million d’étudiants en regard des 3,5 millions d’euros dépensés pour les 8.000 carabins passant l’internat de médecine. Mais il est vrai que, loin d’être uniquement une évolution technologique, le passage sur tablette de l’ECN (examen classant national) a également un intérêt pédagogique, même si des améliorations sont encore attendues.
Concernant les autres examens, il convient donc de se demander dans quelle mesure les examens sur ordinateur apporteraient un réel bénéfice et pourraient contribuer à favoriser la réussite des étudiants : après un indispensable investissement initial pour maîtriser l’outil, les enseignants gagneraient-ils du temps et pourraient-ils davantage se concentrer sur l’encadrement des étudiants ?
Enfin, alors que des études scientifiques montrent qu’écrire à la main stimule la mémoire et la créativité, dans quelle mesure abandonner encore un peu plus le stylo pourrait-il avoir des conséquences plus prononcées sur le développement de notre cerveau ?
Bien au-delà des seuls aspects logistiques, la numérisation des examens pose des questions relevant des sciences de l’éducation et des neurosciences.
10 Responses
Dans quelques mois où années, lorsque ces solutions se seront un peu répandues, inévitablement on aura vent de bugs et soucis (non-fiabilité, sécurité) liés à ces systèmes informatiques. Qui obligeront à faire repasser des examens (sur papier ?)
Et puis, cela a peut-être un intérêt pour les QCM ou des examens à réponses courtes. Mais pour des dissertations par exemple ? ce qui concerne bon nombre de disciplines littéraires/sciences humaines.
Cela oblige aussi, techniquement à avoir des amphis équipés de nombreuses prises électriques pour être sûr que les ordinateurs ne tombent pas en rade au milieu de l’examen.
L’excuse de “Windows me force à redémarrer pour mettre à jour” en plein milieu d’un examen pourra-t-elle être recevable ?
Bref un intérêt oui, dans une certaine mesure. Absolument pas à généraliser.
Précision par rapport à l’ECN, cela concerne également les partiels des externes en médecine qui sont faits sur tablettes depuis au moins deux trois ans!
Inconvénient: pas de possibilité de revenir en arrière en cas d’erreur + bugs qui ajoutent des difficultés et du stress inutiles à des études déjà suffisamment compliquées et stressantes.
Il y a des personnes qui sont à l’aise avec un ordinateur, savent programmer, jouent à des jeux d’ordinateur (il faut savoir bidouiller, trouver le bon pilote, des fois on se trompe et il faut réinstaller windows; c’est une semaine de travail parce qu’on s’est trompé, on prend ses précautions, on a plusieurs disques durs), on peut connaitre les raccourcis clavier, utiliser plusieurs logiciels en même temps, mettre des instructions dans des raccourcis du bureau, bidouiller le registre, etc … J’ai toujours dissocié les études et l’ordinateur, l’ordinateur demande beaucoup de maintenance, c’est pas pareil avec un stylo plume, faire un examen sur ordinateur: je sais pas si je pourrais.
Je ne pense pas que la solution proposée dans cet article soit correcte car si aucune donnée n’est transmise sur des serveurs, que se passe-t-il en cas de panne d’un ou plusieurs ordinateurs d’étudiants ? Leur examen est perdu ? On annule du coup l’épreuve ? En plus l’installation d’un logiciel spécifique est contraignante, ça ne fonctionne pas sur tout type de matériel. Ici à Lille nous utilisons la plate-forme Open (http://www.hificom.net/examens_numeriques.php) qui a beaucoup moins de contrainte et plus de fiabilité. Concernant la question du bénéfice pédagogique soulevé dans l’article, il faut prendre en compte également la possibilité d’avoir des retours statiques détaillées permettant d’identifier des notions non comprises qu’il est ensuite possible de revoir en cours par exemple.
J’imagine bien que leur logiciel est uniquement compatible Windows/Mac. Les autres (qui sont sur Linux ou ChromeOS) n’ont qu’à aller se faire voir.
Autre chose : la plus grande partie des étudiants (qui n’ont pas les mêmes moyens que ceux qui ont fondés cette “start-up”) ont un écran d’une taille inférieure à 13 pouces, voire égale à 10. Si ces ordinateurs sont peu coûteux et adaptés à de la simple prise de note, je ne vois pas comment il est possible de rédiger dessus.
Bonjour,
Il me semble également important de préciser que l’épreuve théorique générale du permis de conduire (plus communément appelée épreuve du code de la route) se déroule dorénavant sur une tablette individuelle. Chaque candidat ayant sa propre série de 40 questions, la triche devient impossible et l’organisation de l’épreuve peut être confiée à des organismes agréés.
c’est plutôt une bonne initiative, merci pour cet article !
A mon avis, cela pourrait être un système utile mais seulement dans les cas des QCM où examens similaires. Par contre, ce serait presque impossible de l’utiliser dans une dissertation ou même un essai ou dans des examen à réponses longues. L’ordinateur pourrait aider les élèves à écrire plus vite qu’avec un stylo mais la correction doit être faite par un professeur et pas par une machine, surtout lors des examens de sciences humaines ou littératures.
Je trouve, en autre, que ce système présente peu d’atouts. Le seul c’est l’impossibilité pour les élèves de tricher pendant l’épreuve, vu que le système est bien contrôlé. Mais, comme il s’agit d’un ordinateur, il peut toujours y avoir des bugs et des problème avec le software, ce qui serait un vrai désastre lors de l’épreuve. En plus, le coût trop élevé pour une application dont on s’est passé jusqu’à maintenant ne fait pas du bien aux finances de l’État.
Merci pour toutes ses bonnes infos.
super initiative!