« L’expérience utilisateur » pour réinventer l’université
Qui a dit que l’enseignement supérieur était une institution autoritaire et figée ? A l’image de notre société, qui se transforme en intégrant des pratiques collaboratives dans tous les secteurs, des finances municipales au logement et à la musique, la culture participative gagne les universités et les écoles. Avec un leitmotiv : réfléchir ensemble pour apprendre autrement.
Mi-mai, la Web School Factory rassemblait dans ses locaux parisiens des enseignants, des étudiants et leurs parents, le temps d’un week-end studieux et festif. Objectif : repenser la pédagogie de l’école. Pour être inhabituel, ce « challenge » s’intègre dans la philosophie de l’école qui ambitionne de former les managers du web. Fondée il y a cinq ans par Anne Lalou, une ancienne de Lazard, Havas et Nexity, la Web School Factory s’attache à « impliquer les étudiants dans la vie de l’école, dans une démarche de co-construction qui vise à développer leur autonomie et leur responsabilité. Nous ne voulons pas devenir les fonctionnaires d’un programme qu’on aurait écrit seuls pour eux ! », lâche Anne Lalou. D’où l’idée de ce week-end challenge où, dans la veine des hackathons, les quelque 60 participants avaient 36 heures pour réfléchir à un problème et élaborer une solution avant de « pitcher » leur projet devant un jury.
Quelques mois plus tôt dans l’année, l’université de Bordeaux organisait le concours « Hacke ta fac ». Le principe ? Inciter les étudiants, mais aussi les enseignants-chercheurs et les ingénieurs, à laisser libre cours à leur créativité pour transformer le campus. Lancée en début d’année universitaire, la compétition s’est déroulée tout au long du premier semestre, chaque équipe prenant le temps de mûrir et de prototyper son projet.
« Nous ne voulons pas devenir les fonctionnaires d’un programme qu’on aurait écrit seuls pour les étudiants ! » (Anne Lalou)
Défis et innovation
Dans les deux cas, les établissements avaient soumis aux participants des défis auxquels il s’agissait d’apporter des réponses innovantes, au-delà des contraintes administratives ou matérielles qui freinent habituellement la réflexion. Toute méthodologie intégrant le design thinking et la bienveillance était la bienvenue.
A la Web School Factory, chaque équipe devait plancher sur les questions élaborées par Bruno Faure, le directeur pédagogique de l’école qui dit avoir voulu « confronter [ses] hypothèses à [sa] communauté » : et si nous disposions d’un BOT ? Et si le profil d’un étudiant était designé par Ubisoft ? Et si l’amphi devenait une énorme salle de projet numérique. Quel en serait le cahier des charges ?
De son côté, l’université de Bordeaux avait dégagé plusieurs thématiques, invitant les participants à imaginer comment simplifier l’organisation d’événements culturels sur le campus, améliorer l’accessibilité des bâtiments, réduire l’empreinte environnementale, ou encore, là aussi, comment transformer la pédagogie.
Financés chacun à hauteur de 10.000 € grâce à l’Idex (Initiative d’excellence dont bénéficie l’université de Bordeaux dans le cadre des Investissements d’avenir), les projets lauréats vont d’une plateforme d’aide à la recherche de logement favorisant également l’intégration des nouveaux étudiants à une application délivrant des informations sur la vie de campus en réalité augmentée. Autre idée récompensée : celle d’une façade pixellisée interactive et programmable qui pourrait diffuser des messages et des animations mais aussi de jouer à Tetris.
Quant à la Web School Factory, elle s’est engagée à mettre en œuvre l’année prochaine les projets sélectionnés par le jury. Parmi eux, une application mobile pour aider les étudiants à développer leur posture professionnelle de manière ludique, une plateforme d’évaluation communautaire des compétences, incluant l’évaluation par les pairs, ou encore une interface sur laquelle les étudiants pourraient présenter leur parcours différemment, dans un format à mi-chemin « entre le portfolio, le journal intime et le cv ».
Culture numérique
Au-delà des projets primés, ces deux exemples sont intéressants en ce qu’ils témoignent d’un changement de culture : non seulement ces établissements ont la volonté de se transformer, mais ils ne le font pas seuls. Ils acceptent l’idée qu’ils ne détiennent pas la vérité absolue pour faire évoluer la pédagogie et la vie de campus.
En se tournant vers leurs étudiants, voire leurs familles, ainsi que vers leurs personnels enseignants, ils se placent en outre dans une logique d’UX design au sens où la démarche d’innovation prend en compte l’« expérience utilisateur », cette notion très en vogue dans le design industriel comme dans les start-up et entreprises ayant engagé leur transformation numérique. Car il ne s’agit pas (seulement) ici d’outils informatiques ou de nouvelles technologies, mais bien du changement de posture induit par le numérique, qui favorise des relations fondées sur l’échange et la collaboration.
5 Responses
Cosmétique et marketing : de parfaits électeurs de Macron, au top pour réinventer la roue en la renommant la “inteligent circle design”.
“Nous ne voulons pas devenir les fonctionnaires…”,
Mais quand va-t-on arrêter de dévaloriser ces fonctionnaires qui, pour une très large majorité, ne correspondent pas à l’image que certains en donnent…
D’ailleurs les enseignants et chercheurs innovateurs de l’université de Bordeaux sont très probablement des fonctionnaires…
Moi je dois être bête, mais je ne comprends même pas ce que veut dire “[…] fonctionnaire d’un programme […]” ?
Je ne me suis jamais demandé quelle était “l’expérience utilisateur” des étudiants à qui on inculque (péniblement) le théorème des accroissements finis.
Je propose la solution suivante : une craie, un tableau et un(e) enseignant(e) qui aime sa discipline.
Ah ! On me dit que ça ne rapporte pas assez aux entreprises édutech qui gèrent les fablab collaboratifs permettant la nouvelle synergie utilisateurs/consomm-acteurs, dommage, ça ne coûtait pourtant pas cher…