Start-up de l’éducation : un tour du monde et 5 questions

Start-up de l’éducation : un tour du monde et 5 questions

Student working on her tablet at Point England School, Auckland © EdTechWorldTour

Student working on her tablet at Point England School, Auckland © EdTechWorldTour

C’est l’histoire de deux passionnées d’éducation qui se rencontrent sur les bancs de HEC et s’interrogent sur les cours qu’elles ont reçus, finalement pas très différents de ceux de leurs parents, voire de leurs grands-parents. Au fil de leurs discussions, Svenia Busson et Audrey Jarre se découvrent l’envie d’aller voir ailleurs, d’explorer les endroits dans le monde où, sous l’impact du numérique, on apprend désormais vraiment autrement. Ainsi naît leur projet, baptisé EdTech World Tour. L’objectif : comprendre comment les nouvelles technologies appliquées à l’éducation, les EdTech, transforment la pédagogie.

Pendant cinq mois, les deux jeunes femmes sillonnent la planète, de l’Afrique du Sud à la Nouvelle-Zélande, en passant par le Chili, les Etats-Unis ou l’Inde. Leur rapport, achevé cet été, dresse un bilan des écosystèmes nationaux et recense des bonnes pratiques, pays par pays. Publié en libre accès sur leur site, il contribue à répondre à cinq questions clefs qui se posent quand on aborde le sujet des EdTech.

#1 Le développement des start-up dans l’éducation est-il un phénomène mondial ?

Oui, l’essor des EdTech est aujourd’hui une tendance globale. Selon le cabinet Boston Consulting Group, le secteur a attiré en 2015 des investissements à hauteur de 4,5 milliards de dollars au niveau mondial, et les prévisions de croissance sont de l’ordre de 20 % par an.

Cependant, ce développement ne se fait pas partout à la même vitesse. Il dépend notamment de la maturité des marchés nationaux, du déploiement des infrastructures adéquates, mais aussi des mentalités. D’où la phrase de Bernhard Niesner, directeur général du réseau social pour l’apprentissage des langues Busuu, que Svenia Busson et Audrey Jarre citent dans leur rapport : « Being a tech start-up is like a marathon, being an EdTech start-up is like an ironman ».

#2 Se dirige-t-on vers une « ubérisation » de l’éducation ?

Non, les EdTech ne vont pas menacer pas le modèle économique traditionnel car elles n’ont en général pas l’ambition d’apporter de solution globale : l’éducation reste un enjeu local et souverain. Il est impossible de plaquer un système ou des pratiques pédagogiques d’un pays à l’autre sans prendre en compte la réalité du terrain dans toutes ses dimensions, économique, sociale, culturelle.

« Being a tech start-up is like a marathon, being an EdTech start-up is like an ironman »

#3 Les nouvelles technologies peuvent-elles transformer l’éducation en profondeur ?

Oui, parce qu’elles induisent un changement de mentalité, en plébiscitant ce que les anglo-saxons appellent le « growth mindset », généralement traduit par « l’état d’esprit de développement ». Concrètement, il s’agit de s’appuyer sur ses erreurs pour progresser, à l’image des bugs informatiques que l’on doit apprendre à résoudre. Cela change fondamentalement le statut de l’erreur, qui s’éloigne radicalement de la « faute », terme d’autant plus culpabilisant qu’il comporte une connotation morale négative.

#4 Les start-up EdTech vont-elles révolutionner à elles seules notre système éducatif ?

Non, elles ont besoin de l’appui des acteurs institutionnels, notamment des pouvoirs publics, pour réussir à toucher les élèves. Ce qui est loin d’être évident en France où le marché est très centralisé et les appels d’offres publics largement favorables aux éditeurs traditionnels. Les start-up, elles, ont beaucoup de mal à pénétrer dans les établissements, contrairement aux Etats-Unis par exemple, où il leur est très facile de tester un outil dans tel ou tel district.

#5 Le numérique signe-t-il fin du prof ?

Non, l’enseignant reste au centre du système éducatif, mais sa position vis-à-vis de l’élève change : moins que son maître, il devient désormais son accompagnateur. Avec le numérique, c’est avant tout la relation pédagogique qui évolue, mais aucune application ne pourra remplacer l’enseignant. D’où la phrase de John Martin, directeur général de Sanoma Learning, poids lourd de l’édition scolaire en Europe : « the teacher is the killer app ». Reste un enjeu majeur, loin d’être toujours bien pris en compte : former les enseignants à l’utilisation des nouvelles technologies en classe.

6 Responses

  1. taf says:

    je vous invite à regarder la vidéo sur la chaine youtube “veritasium” (en anglais) sur l’éducation : deja Edison prédisait que le disque vinyle/de cire allait remplacer le prof, puis on a dit la même chose pour la vidéo, les cassettes….et au final le prof est toujours central. Parce que le lien humain, la reformulation, l’affectif sont indispensables.
    (et arrêtez de nous bassiner avec cette histoire de “faute culpabilisante”, on croirait qu’il n’y a que des profs sadiques…)
    Qui plus est, contrairement à ce que croient certains, il y a encore une fracture numérique en France, et elle n’est pas près de se combler.
    On apprend différemment avec le numérique, mais rien ne montre qu’on apprend mieux. (simplement, ça coûtera plus cher à l’état, qui donnera des sous aux vendeurs de tablettes et autres..au lieu d’embaucher plus de vilains profs feignants, bouh)
    (s) un prof

  2. Parent d'élève says:

    LA révolution à l’École ?
    Tout un programme…
    Qu’ils commencent déjà par mettre des profs qui soient bonnasses, le reste on verra plus tard.

  3. Al Ceste says:

    La question me paraît moins être celle de l’outil que l’usage à en faire. Et cet usage, ce n’est pas l’outil qui le définira car ce n’est qu’un serviteur, si puissant soit-il. Exemple avec le correcteur d’orthographe. Dans la majorité des cas, certes (je viens d’en faire la xième expérience) il remplace le mot fautif par le bon. Mais parfois il donne une réponse aberrante (j’ai frappé qeuelle pour quelle  et il me donne bulleuse Ou propose plusieurs solutions, et ne vous dit jamais laquelle choisir. Même affaire avec le dictionnaire des synonymes (pour solutions il me propose conclusions, terme, terminaisons, issues, dénouements, dont aucun ne convient ici.

    Je ne suis pas ennemi de l’informatique à l’école (j’ai été le premier à vouloir correspondre par mel avec les élèves* pour le scolaire, à la grande suspicion de ma direction et de quelques parents). C’est juste que l’ordinateur ne remplacera jamais le professeur, et qu’il vous dispensera jamais d’être intelligent. Mon ordi me sert à écrire de livres et des textes, mais il ne m’a jamais donné une idée ni une métaphore (sauf celles des autres, mais quel intérêt).

    * J’avais enlevé le « s » puis actionné la touche ABC : il n’a rien vu car il a cru que dans « les élève », les était un pronom.

    http://misentrop2.canalblog.com/

  4. Difficile de pénétrer dans les établissements pour une startup même si le service et gratuit.
    Le frein essentiel en Lycee comme au collège c’est la peur des enseignant de se voir priver de leur liberté pédagogique et on peut le comprendre.
    Ils ont du mal à comprendre comment on peut fonctionner en classe inversée.
    L’utilisation de ces outils va demander beaucoup de temps et de formation , mais j’y crois.

  5. Anthony says:

    L’erreur des EdTech serait justement d’abandonner tout suivi humain. Le but principal de la numérisation de l’éducation est de pouvoir optimiser et d’affiner les méthodes pédagogiques en s’appuyant sur des formats ludiques et surtout, permettre de réduire la fracture numérique en permettant à toute et à tous d’accéder à l’éducation et la formation.

  6. Elisabeth says:

    L’enjeu et le domaine est plus sensible que d’autres secteurs ou l’uberisation et la digitalisation ont été plus que rapide.
    La EdTech prend forme en Europe et est déjà bien installée aux Etats-Unis.
    Les startups vont devoir jongler entre numérisation des procédés, qualité de l’enseignement et rapport humain.
    Pas une mince affaire !

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