Prof en ligne, un métier émergent

Prof en ligne, un métier émergent

S’il abolit les frontières du temps et de l’espace, Internet n’échappe pas à l’effet rentrée et le calendrier scolaire continue d’imposer son rythme sur la Toile. Ainsi, bien que l’on puisse suivre une formation de développeur web, chef de projet multimédia ou marketer digital toute l’année, les nouveaux cours foisonnent en ce début septembre. « N’importe qui peut s’inscrire à mon cours à une heure du matin, en plein milieu du mois d’août, depuis son canapé ! Mais pour beaucoup de gens, il est naturel de commencer un cours à la rentrée », témoigne Emily Reese, « code and design teacher » chez OpenClassrooms, leader européen de la formation en ligne.

A 28 ans, cette jeune franco-américaine fait partie des 70 salariés de la start-up qu’elle a rejointe il y a deux ans, après un parcours pour le moins atypique puisqu’elle a suivi des études d’art, au sein de l’université Brown, dans l’Etat de Rhode Island, et au Sotheby’s Institute of Art à New York où elle se forme au business du marché de l’art. Un cursus qui la conduit en 2012 à intégrer la start-up Kickstarter, l’une des premières plateformes de financement participatif. « J’aidais les artistes à présenter leur projet, à exprimer leurs besoins et à constituer autour d’eux une communauté », décrit-elle. Etre entourée de développeurs web lui donne envie d’apprendre à coder. Qu’à cela ne tienne ! Elle suit des Mooc le soir et le week-end et devient elle-même développeuse chez Kickstarter.

Avide de nouvelles expériences, Emily décide alors de venir en France. Après un passage par l’entreprise de produits electroniques Archos, elle découvre OpenClassrooms qui correspond à « [son] envie de travailler avec une communauté, et pas seulement de rester derrière [son] écran à coder ». La voilà donc qui lance ses premiers cours, en anglais. Aujourd’hui, elle en compte 30 à son actif. Mais ne comptez pas sur elle pour dénigrer le système traditionnel. « J’ai adoré l’école ! J’étais une très bonne élève, toujours en train de lever la main pour répondre à une question », sourit celle pour qui « les cours en ligne sont simplement une façon différente d’apprendre, complémentaire des cours en présentiel. Ce n’est pas mieux ni moins bien ».

Analyser les données sur la plateforme

Forte de son expérience de 3 millions d’utilisateurs, OpenClassrooms a formalisé la manière de construire un cours en ligne : « on a identifié ce qui fonctionne ou pas, assure Emily qui estime qu’il faut « une vingtaine de jours pour produire un cours en deux parties, chacune d’elle comprenant 5 à 7 chapitres et se terminant par un quiz. Le cours lui-même se finit avec une activité de mise en pratique ».

Une fois réalisée la première mouture, le cours est régulièrement mis à jour, en fonction de l’évolution des techniques mais aussi des retours des élèves : « chaque moment vécu sur la plateforme est enregistré et on passe du temps à analyser ces données », explique Emily. Ainsi, une note moyenne particulièrement basse peut être le signe d’un quiz trop difficile. Il est aussi possible de voir quand de nombreux élèves décrochent après le deuxième chapitre. « Cela signifie qu’il y a un problème dans le cours, donc on regarde et on fait des modifications en conséquence, indique Emily. « Internet permet une telle agilité. En présentiel, le prof a un feedback immédiat en lisant sur le visage des élèves en face de lui. Il fallait trouver une manière de répliquer cela. Les données le permettent, et de manière moins subjective ».

Reste qu’à ses yeux, « la meilleure façon de devenir prof en ligne, c’est d’avoir été soi-même étudiant en ligne : on comprend à quel point la motivation et l’interactivité sont importantes. On comprend ce qui marche ou pas parce qu’on l’a vécu », témoigne cette autodidacte en informatique. Et de souligner une autre exigence spécifique de ce métier, liée à la diversité du public : « il faut parler de manière à être accessible à tous. En effet, on ne sait pas si l’on s’adresse à un étudiant français de 18 ans qui vient juste de sortir du lycée, à une femme de 35 ans en reconversion en Asie ou à un homme de 50 ans, salarié d’une entreprise traditionnelle à Los Angeles », explique Emily dont les cours sont suivis par 110 000 élèves, d’après OpenClassrooms.

© OpenClassrooms

« La meilleure façon de devenir prof en ligne, c’est d’avoir été soi-même étudiant en ligne »

Outre la production de cours, Emily suit un ou deux élèves dans le cadre du mentorat : une heure par semaine en visioconférence, obligatoire dans le cadre des parcours certifiants, durant laquelle l’élève peut poser des questions, notamment pour réaliser ses projets : construire un prototype de site web, créer un cahier des charges pour le client… « Pour les questions techniques, les réponses se trouvent facilement dans le cours ou sur les forums d’entraide entre étudiants », précise-t-elle.

Partager son expertise

Emily accompagne aussi désormais de nouveaux profs : « je prépare le script avec eux, je relis chaque mot avant qu’ils n’enregistrent, je crée les quiz avec eux… », énumère-t-elle. Objectif : rendre autonomes ces professionnels free-lance. Car à la manière des intervenants extérieurs qui donnent des cours dans les écoles et universités, les profs en ligne sont avant tout des experts de leur domaine qui ont envie de transmettre leurs connaissances tout en continuant d’exercer leur métier. « C’est ce contact avec la vie réelle qui donne une légitimité », estime Emily qui a elle-même à cœur de mener des projets personnels pour « continuer à [s’]améliorer ». L’Américaine expatriée à Paris a ainsi développé une application pour trouver facilement des restaurants végétariens dans la capitale et mis en ligne une version virtuelle du mur de post-it lancé dans le métro à New York après l’élection de Donald Trump.

Si « concevoir les parcours pédagogiques qui aboutissent à des titres certifiants demande une formation spécifique, il n’y a pas besoin d’avoir un titre officiel pour partager ses connaissances », affirme la jeune femme. Et quand on lui demande quelle facette de son métier elle trouve la plus gratifiante, la réponse rejoint celle des profs traditionnels : « entendre mes élèves me dire que je leur ai donné envie de partager à leur tour ce qu’ils ont appris ! »

20 Responses

  1. meg96 says:

    “Le contact avec la vie réelle”. Devant un clavier…
    Les nouveaux esclaves sont branchés et heureux d’être des esclaves.

  2. The Gonzo Man says:

    Je travaille de cette manière depuis quelques années. Et j’envisage de m’installer sur une plage de sable blanc de Thailande et de faire cours à un public francophone. 10 élèves par semaine à 120 €/ la leçon. Vous imaginez ce que veut dire alors la vie douce…

  3. polo says:

    @elbarto Vous avez raison, à l’éducation nationale tous les enseignants sont diplômés et la qualité de leurs cours est reconnue ce qui est prouvé par les résultats des élèves 😉

  4. Marc says:

    Votre comment

  5. Elbarto says:

    Ça censure dur par ici…
    Polo : prouvez moi que les resultats des éleves est la faute des profs

  6. there is no alternative says:

    les cours à distance c’est l’avenir : l’educ nat le dernier secteur avec la batiment a ne pas être massivement automatisé sera en ligne ou n’existera plus

  7. ludovic says:

    Internet offre la culture du monde au monde et ce gratuitement. C’est la révolution de la culture et de l’apprentissage : n’importe qui peut se former (apprendre) sur n’importe quoi depuis n’importe où : des cours gratuits sur YouTube aux cours gratuit via Facebook, aux blogs etc… Le plus flagrant ce sont ses natifs qui offrent des cours de langues sans demander un euro : ces cours si chèrement facturés par les écoles ou les professionnels. Le savoir est dorénavant accessible : le professeur classique a perdu son monopôle et l’éducation nationale aussi. On oublie que les métiers eux aussi meurent. Je serais eux je me ferais beaucoup de soucis. Que sera-t-il dans 30 ans ? Je pense que l’accessibilité et la gratuité va le délégitimer, et le paupériser. Les profs de langue seront les premiers et les plus durement touchés, surtout s’ils nous sortent des traducteurs universels qui tiennent dans la main, comme on commence à en voir, branchés sur ces casques audio qui transmettent le son directement à l’oreille interne par résonnance de l’os, comme ça existe déjà. La technologie va tuer le métier au sens propre et au sens figuré pour certains, et le transformer pour d’autres. Je pense qu’on ira vers un système de candidatures libres : l’Etat au sens large organisera la cession d’examen ( fera le contrôle et le délivra le diplôme) ; pour l’apprentissage ce sera gratuit et l’affaire de chacun ; je pense au modèle des diplômes consulaires genre ceux de Cambridge qu’on passe au consulat du pays, et dont le programme est pas de programme, mais un niveau. A chacun de l’atteindre, comme il le souhaite. Equité, gratuité, accessibilité. J’ai 11 diplômes en tout ; et le modèle des diplômes consulaires est le plus efficace, le mieux me semble-t-il, car on note la culture de l’élève ( la culture c’est qui reste quand on a tout oublié) et non s’il a bien appris tel mot à tel page, ce mot qu’il oubliera après demain, car il ne sera resté en mémoire qu’un court temps : on appelle ça le bourrage de crâne. Pour ceux qui l’ignorent les diplômes de Cambridge sont reconnus dans 151 pays à travers le monde, le FCE est le diplôme demandé en Espagne pour être professeur d’anglais ; il vous dispense des épreuves d’anglais en Master d’Ecole de Commerce en France. En gros c’est un sésame.

    • LE CHENADEC says:

      L’audiovisuel en général et Internet en particulier sont à la formation ce que le piano électronique est à la musique…. on pense avoir tout compris… et quand on se réveille, on a un peu la gueule de bois.
      Quand on voit la pauvreté ( voire l’énormité des barbarismes ) de ces traducteurs universels qui vous fascinent, malgré le deep-learning et autre gadgets informatiques du moment, on mesure la taille du grand écart entre le rêve et la réalité.
      Il est par contre possible que cette pacotille soit rentable, et tue effectivement la vraie compréhension ( et pratique ) d’une langue…. nous avons actuellement un Président des USA qui a un vocabulaire de 50 mots et qui en est très fier… et il représente peut-être l’avenir! …

      • Stephane says:

        >Quand on voit la pauvreté ( voire l’énormité des barbarismes ) de ces traducteurs universels qui vous fascinen

        La faute a un langage de communication plein de débilites d’exceptions etc….par la faute de littéraires qui ne pigent rien a la logique…après tout, ils ont même des mots pour ça…sophisme et autres artifices de rethorique…

        >Président des USA qui a un vocabulaire de 50 mots et qui en est très fier… et il représente peut-être l’avenir! …

        blablater n’a jamais fait partir une fusée dans l’espace, les équations si….

        On voit dans quel camp vous vous situez.

  8. oiseau moqueur says:

    N’ y a-t-il un synonyme à cet horrible néologisme “présentiel” qui me donne des boutons?

  9. Aquinze says:

    Ce qui compte, c’est l’intervention du Saint-Esprit, qui seul peut procurer la grâce à l’enseignant.

  10. mp.mac says:

    @ oiseau moqueur, plutôt que l’affreux “présentiel” on peut dire “en face à face” on peut même ajouter “pédagogique”, presque un gros mot….

  11. mp.mac says:

    Super on a vu ce que donnait Uber, Airbnb et compagnie… Avec curiosité, attendons de voir comment ça va se metrre à déconner !

  12. André Leblanc says:

    Bien des aspects de l’enseignement (pré-requis, processus d’apprentissage, reconnaissance des diplômes, évaluation des apprenants et des professeurs…) ne sont pas pris en compte dans cette page du blogue. On ne peut certes pas tout dire en quelques paragraphes, mais il faudrait vraiment aborder ces aspects plus sérieusement avant d’annoncer la révolution de l’enseignement ou la fin du métier de professeur. Justement, en parlant de professeur, quel est le bagage académique et pédagogique d’Emely Reese? Si le cours est gratuit, ou presque, ce qui apparaît en soi attirant, pourquoi est-ce que je passerais plusieurs heures de mon temps précieux à écouter quelqu’un dont je ne suis pas sûr de la compétence? Une formation diplômante en ligne est digne d’intérêt quand elle est dispensée directement par une institution reconnue par les pouvoirs publics et non par un regroupement de professeurs à la formation douteuse.

  13. baptiste b. says:

    “Prof en ligne, un métier émergent” /émergeant : participe présent. Il y a encore du boulot pour les professeurs!!!

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