Quand le numérique redonne vie à un musée

Quand le numérique redonne vie à un musée

mooc-cnam-vue-avion

On le sait peu mais le Conservatoire national des arts et métiers fait partie, avec l’Ecole normale supérieure et l’Ecole polytechnique, des créations de « l’an II », cette période postrévolutionnaire qui s’étend du 22 septembre 1794 au 22 septembre 1795. « A l’origine, raconte Gilles Garel, professeur titulaire de la chaire de gestion de l’innovation, le Cnam se voulait un lieu ouvert à tous les citoyens désireux de se former aux arts et métiers : les objets et maquettes étaient utilisés pour faire voir les machines en mouvement, dans une pédagogie de la démonstration. Depuis, le rapport entre le musée et l’enseignement s’est distendu ».

Avec son collègue Loïc Petitgirard, maître de conférences en histoire des sciences et des techniques, l’enseignant a voulu « réactiver cette tradition oubliée à travers un Mooc » (Massive online open course) qui repose sur « deux paris : utiliser les objets, et mêler l’histoire et la gestion ». Intitulé « La Fabrique de l’innovation », le cours, qui démarre le 9 janvier 2017, se propose de comprendre, grâce à l’histoire, comme naissent des innovations. Et comment certaines se contentent d’être des inventions, à l’image de l’Obéissante, sorte d’autobus à vapeur – à ceci près que les transports motorisés n’existaient pas à la fin du 19e siècle.

mooc-cnam-obeissante

Drones et animations numériques

Pour expliquer l’histoire de l’automobile, les enseignants sont filmés dans le musée, se promenant du chariot Cugnot mis au point sous Louis XV à la Ford T de 1908, tandis qu’un travail en studio vient donner des éléments de contexte et compléter les chaînons manquants. Les nouvelles technologies permettent aussi de faire fonctionner virtuellement des engins comme la machine à vapeur, alors que les maquettes ne bougent plus.

Le résultat de ce mélange entre déambulations et reconstitutions ? Un vaste panorama de l’histoire de l’innovation et de superbes images, les réalisateurs du Mooc ayant utilisé des drones pour survoler les salles du musée installé dans un ancien prieuré.

mooc-cnam-drone

Revaloriser le patrimoine du musée

Au-delà du Mooc, les enseignants espèrent contribuer à faire bouger les lignes et resserrer les liens entre le Conservatoire et le musée des arts et métiers. « Depuis une dizaine d’années, la volonté d’un rapprochement se fait entendre dans les discours, mais se traduit peu dans les faits », observe Loïc Petitgirard : certains enseignants jouent à l’occasion le rôle de commissaires d’exposition quand la thématique abordée croise leur domaine de recherche, tandis que quelques autres emmènent au musée leurs élèves ou auditeurs – nom donné aux salariés en formation continue qui suivent les cours du soir au Cnam.

« Depuis 2013, 550 personnes ont été accueillies dans ce cadre, c’est très peu par rapport à l’impact que le Mooc peut avoir, estime Gilles Garel, qui table sur 5.000 inscriptions et mise surtout sur un effet boule de neige : « le Mooc est la preuve visible de tout ce qu’il est possible de faire au sein du musée. Les 75 chaires du Cnam ont un lien avec les collections », martèle l’enseignant qui a pris l’habitude depuis cinq ans de dispenser une partie de ses cours au milieu du pendule de Foucault et de l’aéroplane de Blériot. Et ce, aussi bien face à des élèves ingénieurs que des apprentis ou des stagiaires en formation continue. Aujourd’hui, il souhaite systématiser ces parcours physiques au sein du musée, et pourquoi pas proposer aux entreprises des sessions de quelques heures ou une journée pour sensibiliser les salariés à la problématique de l’innovation, que celle-ci soit technique, managériale ou organisationnelle.

Mooc Arts et métiers

« Le musée est tout sauf poussiéreux ! Ma mission d’enseignant est aussi là, dans cette réhabilitation. (G.Garel »

« Les informaticiens pourraient aussi être intéressés car beaucoup manquent de culture numérique et ne savent pas d’où vient ce monde connecté dans lequel nous vivons », renchérit Loïc Petitgirard. Et de rappeler que seuls 5 % des collections sont exposés et que les réserves sont notamment très riches en ce qui concerne l’histoire des jeux vidéo et l’informatique. De même, les comptables y trouveront des instruments de mesure tandis que les chimistes pourront se pencher sur le gazomètre de Lavoisier.

Récemment, un maître de conférences en histoire de l’université de Grenoble Alpes a fait visiter le musée parisien à ses étudiants de licence, après les avoir fait travailler sur différents objets, en classe inversée. « Chacun à leur tour, ils ont pris la parole pour présenter différents objets », raconte Gilles Garel, convaincu de la nécessité de montrer que « le musée est tout sauf poussiéreux ! Ma mission d’enseignant est aussi là, dans cette réhabilitation ».

En attendant, les Internautes ont quatre semaines pour examiner des objets hybrides, redécouvrir le minitel et porter un regard neuf sur les premiers ordinateurs, à la lumière des analyses du professeur de Harvard et théoricien de l’innovation, Clayton Christensen.

mooc-cnam-voiture-a-helice

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *