Une école laboratoire pour améliorer le bien-être des élèves

Une école laboratoire pour améliorer le bien-être des élèves

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Un apprentissage personnalisé, centré sur les intérêts et le bien-être de l’enfant : voilà ce que propose la Lab School, cette école primaire d’un nouveau genre qui doit ouvrir à Paris, à la rentrée 2017. Inspiré d’un concept et d’exemples américains, ce projet, le premier en France, est porté par une enseignante-chercheuse de l’EHESS (Ecole des hautes études en sciences sociales), Pascale Haag.

Cette dynamique quinquagénaire, spécialiste de grammaire sanskrite, s’est « reconvertie » il y a quelques années pour se consacrer à des recherches en psychologie et prépare actuellement sa (deuxième) thèse universitaire sur le bien-être et la détresse psychologique des doctorants : « certains de mes séminaires n’accueillaient parfois que cinq personnes, ce qui m’a amené à me poser la question du sens et de l’utilité sociale de mes recherches », raconte-t-elle aujourd’hui, soulignant la « bienveillance de l’institution » qui l’a accompagnée dans ce changement de cap et lui a permis de rejoindre l’Iris, l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux associant l’EHESS, le CNRS, l’Inserm et l’université Paris 13.

D’abord créée sous la forme d’un réseau, la Lab School est devenue, en juillet 2016, une association dont le siège social est établi à l’EHESS. Rassemblant une cinquantaine de membres, auxquels s’ajoutent les 500 « sympathisants » inscrits à la newsletter, la structure est aujourd’hui en résidence au Liberté Living Lab, un espace collaboratif dédié à l’innovation technologique et sociale (la « civic tech »), situé dans le Sentier, dans le 2e arrondissement parisien. C’est dans ce quartier qu’ouvriront aussi les locaux de la Lab School, à la rentrée prochaine. Une trentaine d’élèves sont d’ores et déjà préinscrits.

Classes multi-niveaux et enseignement personnalisé

Si la Lab School suit les programmes officiels de l’Education nationale, la pédagogie, elle, s’inscrit dans le sillage de Montessori et Freinet. Ainsi, les classes multi-niveaux doivent donner la possibilité pour chaque élève de changer de niveau en fonction de ses besoins. « Un élève de CE1 à l’aise en mathématiques pourra suivre cette matière avec un groupe de CE2, et au contraire travailler sur ses difficultés en lecture avec des élèves de CP », explique Pascale Haag. Autre particularité : l’école sera bilingue et s’appuiera sur un système de binômes entre des enfants francophones et anglophones.

Les nouvelles technologies, quant à elles, ont toute leur place dans ce système, qui entend cependant « développer l’esprit critique d’élèves par ailleurs noyés sous le flux d’information, et les aider à repérer des symptômes d’addiction, de manière à prévenir les pathologies liées au numérique », précise la psychologue qui souhaite « utiliser des outils comme ceux développés par Tralalère, une start-up EdTech attentive à ce type de problématique ».

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« Si l’on veut changer les choses à grande échelle, il faut mener des projets transférables dans l’institution » (Pascale Haag)

Terrain d’observation et d’expérimentation

Si le développement d’autres écoles alternatives témoignent d’un mouvement de fond en faveur de pédagogies différentes, la Lab School a ceci de particulier qu’elle s’attache à ne pas rester en marge de l’institution, cherchant au contraire à tisser des liens avec elle : « si l’on veut changer les choses à grande échelle, il faut mener des projets transférables dans l’institution », affirme Pascale Haag qui apprécie le modèle des Lab Schools américaines parce qu’elles sont adossées à des universités et qu’elles constituent pour elles des laboratoires.

La Lab School de Paris souhaiterait développer des relations avec les membres de PSL (Paris sciences et lettres), la communauté d’universités dont fait partie l’EHESS : « des chercheurs en sciences cognitives ou en sciences de l’éducation pourront y trouver un terrain d’observation et d’expérimentation tandis que des enseignants-chercheurs et étudiants des écoles d’art, par exemple, pourraient venir donner des cours », illustre Pascale Haag qui envisage de travailler avec le Labex Tepsis (laboratoire d’excellence sur la transformation de l’Etat, la politisation des sociétés et l’institution du social) de l’EHESS et se réjouit de « bénéficier de la réflexivité du regard du chercheur pour améliorer le projet et, à plus long terme, influencer les politiques publiques ». A condition que les recherches démontrent les bénéfices de ce type de pédagogie.

« Les Lab Schools américaines sont adossées à des universités et constituent pour elles des laboratoires »

Diversité sociale et cognitive

Dans cette perspective, l’objectif est aussi d’organiser des formations de formateurs, en lien avec la Cardie du rectorat (cellule académique recherche, développement innovation) et même au-delà, de proposer des formations corporate aux entreprises. Une manière de diffuser ces pratiques pédagogiques, mais aussi de générer des revenus non négligeables pour l’association dont le modèle économique repose largement sur les frais de scolarité, modulables « de plus de 8.000 € par an jusqu’à la quasi-gratuité », en fonction du quotient familial. Cette dégressivité vise à assurer la diversité sociale des effectifs, à laquelle s’ajoute la volonté d’obtenir une « diversité cognitive » en intégrant des élèves souffrant ayant par exemple de troubles « dys » (dyslexie, dyspraxie…).

Pour compléter ces ressources, la Lab School travaille sur des dossiers de financement. En attendant, « nos faibles moyens nous obligent à être créatifs ! », sourit Pascale Haag qui va travailler avec un étudiant en design sur l’aménagement des espaces. Car évidemment, pas question pour elle de concevoir les classes plaçant face à face un enseignant et des élèves.

Si la Lab School sera une école privée hors contrat, Pascale Haag ne cesse d’affirmer son « attachement à l’école de la République, aujourd’hui en souffrance : dès qu’on veut changer quelque chose dans l’Education nationale, c’est la catastrophe ! », lâche l’enseignante qui milite pour ouvrir une Lab School dans le public, « par exemple à Aubervilliers, sur le grand campus Condorcet qui doit ouvrir à la rentrée 2019 », glisse-t-elle.

« Implanter une Lab School sur un tel territoire permettrait de créer du lien entre l’institution et la société civile », insiste celle qui ambitionne d’« aller jusqu’au lycée et [d’]accompagner la transition vers l’université car cette pédagogie fondée sur l’autonomie prépare les élèves à entrer en licence ». En attendant d’être rattachée à un campus, Pascale Haag va organiser des réunions publiques pour expliquer son projet. La première se tiendra le 25 février à Paris.

 

 

21 Responses

  1. Prof ondeur says:

    J’ai travaillé quelques années dans une école de ce genre ici en Scandinavie. Une école produisant des cancres, des petits Adolfs, enfants rois qui ne veulent rien faire. Aucune discipline, aucun travail sérieux. Un stress incroyable pour tous les adultes. Une revanche délicieuse pour leurs parents qui n’aimaient pas l’école. Est-ce trop demander aux enfants 11% de leur temps pour être calme et étudier. Est-ce tellement traumatisant ? Je ne crois pas. Je regrette mon école des années 70 où le calme régnait dans la classe ainsi le respect mutuel élève-professeur. L’éducation est une des clefs de notre société. L’école n’est pas un endroit pour “l’expérimentation”…

    • Yannick L says:

      Vous avez raison mais en contradiction totale avec la démagogie ambiante des charlatans des pseudo-sciences de l’éducation qui détiennent le pouvoir à l’EN.

  2. Lulu says:

    Bonjour,
    Je viens d’aller voir les tarifs de cette “lab school” : alors effectivement, il y a gratuité des cours pour les revenus en dessous de 15 000 euros par an (cumul des deux parents), mais la garderie s’élève à 260 euros par mois (pour le soir jusqu’à 19h) et le matin c’est 50 euros par mois ; il y des ateliers “arts et sciences” à 300 euros par mois. Des frais se rajoutent à droite et à gauche. Alors certes, c’est une école privée hors contrat, mais il me semble que de toute façon, comme la plupart de ces écoles, elle demeure réservée à une élite financière, celle qui pourra se permettre de payer, la garderie, la cantine (frais non annoncés, mais on promet du bio) et la garderie/atelier du mercredi après-midi (entre 200 et 350 euros par mois).
    Je trouve que la gratuité de la scolarité est louable, mais si c’est pour proposer des frais de garderie exorbitants en contrepartie, c’est juste de la poudre aux yeux ou pour donner une impression de mixité sociale.

    Cette école participe juste au mouvement d’éclosion des écoles dites alternatives en France, notamment des écoles Montessori qui ont le vent en poupe. Nombreuses sont celles qui proposent un enseignement alternatif de qualité avec des frais de scolarité élevés … pour tous … Je ne sais pas quelle approche est la meilleure, mais je reste gênée par l’idée que les activités ‘en plus’ soient proposées à un coût incroyable (250 de 14 à 17 et 350 euros jusqu’à 19h PAR MOIS) et ne concernent de facto que la catégorie d’enfants issue des familles CSP+

  3. Drinly says:

    Des chercheurs en sciences cognitives ou en sciences de l’éducation pourront y trouver un terrain d’observation et d’expérimentation tandis que des enseignants-chercheurs et étudiants des écoles d’art, par exemple, pourraient venir donner des cours.

  4. Myriam says:

    Cette brave dame va chercher des financements pour une école privée alors que ce qu’elle prône est fait par des enseignants de l’éducation nationale depuis des années dans les écoles rurales à effectif réduit et multi-niveaux. Pourtant, si on écoute les politiques et statisticiens, il faut fermer ces écoles pour engorger les classes des villes !!! C’est le monde à l’envers ! Il faudrait arrêter de penser que la réflexion sur l’école s’arrête aux portes des villes. Il y a beaucoup de choses intéressantes qui se font à la campagne et sans que ça coûte forcément beaucoup d’argent aux familles et aux communes.

  5. jamba says:

    Et ç’aurait été vraiment si compliqué de donner un nom en français à cette expérimentation pour l’école française ? Rien que pour cela, c’est déjà très mal parti ….

  6. benoit111 says:

    ha sympa comme ça les bourgeois pourront en profiter….

  7. Yannick L says:

    Pourquoi vient-on à l’école ? Pour le bien-être ou pour apprendre et le travail ?
    Voici un exemple de ce qui a détruit l’école publique depuis 68.

    • Jean Ber says:

      Je dirais que l’école s’est dégradée après les années 70. Il y avait une bonne balance discipline/”liberté” alors. Avant 68, l’école était trop rigide et les enfants pouvaient y être maltraités.

  8. Anne-Cécile says:

    De mon côté, je crois qu’il faut se réjouir de ce type d’initiatives, les saluer sans réserve et leur souhaiter des résultats à la hauteur de leurs ambitions et de leur audace. L’éducation et le bien-être des enfants passent aussi par la mobilisation, la prise de risques, l’expérimentation voire l’utopie. Parents mais aussi enseignants de l’éducation nationale perdent foi dans le système éducatif actuel qu’on leur impose et qui contrarie bien trop souvent leur liberté d’enseigner, leur créativité et celle des enfants. Ce système est perfectible. Ce n’est pas une decouverte. Enfin, à travers un dispositif de financement comme celui proposé ici, à l’aune du quotient familial, la solidarité et la mixité sociale dont nous manquons cruellement en France sont encouragées.

  9. Anne-Cécile Cornibert says:

    Je crois qu’il faut se réjouir de ces intiatives, les saluer, les soutenir et leur espérer des résultats à la hauteur de leurs ambitions et de leur audace. L’éducation et le bien être des enfants passent aussi par la mobilisation, la prise de risques, l’expérimentation voire l’utopie. Parents et enseignants y compris ceux qui exercent au sein de l’éducation nationale perdent foi dans le système éducatif actuel qui n’encourage pas la liberté d’enseigner et la créativité, dont celle des enfants. Ce système est perfectible. Ce n’est pas une découverte. Par ailleurs, ces écoles alternatives, qui s’engagent dans des partenariats avec des équipes de recherche, sont sensibles à la mise à l’épreuve de leurs principes et postulats educatifs et actifs en termes d’auto-évaluation. Est-ce le cas et est-ce envisageable à l’échelle de l’éducation nationale ? Enfin un dispositif de financement à l’aune du quotient familial promeut la solidarité, l’équité et la mixité sociale dont nous manquons cruellement en France.

  10. Vinteuil says:

    Comment cultiver l’entre-soi tout en se donnant bonne conscience ?

  11. Yannick L says:

    Encore un blog du Monde qui censure systématiquement ce qui le dérange.
    Le Monde est devenu un bien pauvre journal.

    • defisdamphi says:

      Aucun problème avec le débat de fond bien au contraire, laissez-nous juste le temps de lire et modérer les nombreux commentaires. A bientôt 🙂

  12. Laurence says:

    Qu’est-ce qui vous dérange au fond dans ce type d’initiative ? Que le monde évolue et que certains s’en préoccupent en proposant à nos enfants un enseignement en phase avec le monde actuel et futur? Que cette initiative soit pour l’instant privée en attendant de pouvoir faire des émules dans le public ?
    Je ne comprends pas tant de véhémence là où il y a tant de besoin de voir des enfants épanouis, des adultes épanouis….

    Les enfants ayant confiance en eux ne sont pas forcément des “petits rois glandeurs”, développer ce pour quoi on est fait n’était il pas une noble cause ?

    Wake Up (oups un anglicisme, quelle outrecuidance, mea culpa) : l’école des années 70 c’était… dans les années 70, et c’était très bien comme ça !

    2017, n’est-il pas temps de réaliser que nous avons besoin d’autre chose, que nos enfants vont avoir besoin d’autre chose que l’enseignement d’hier pour affronter les défis de demain : ouverture, esprit critique, collaboration, mobilisation autour de projets…
    Merci la Labschool de nous mobiliser et d’agir pour le monde de demain !!! Et BRAVO!!!!

  13. Pascale Haag says:

    Une partie des réponses aux commentaires se trouve ici : http://www.labschool.fr/fr/fr/faq/
    Je souhaite simplement préciser un élément : tout le projet repose sur une association qui ne touche, à ce jour, absolument aucune subvention. Il est mené par une équipe de bénévoles (enseignants, chercheurs, parents) rassemblés par le souhait de contribuer de façon constructive au renouveau éducatif – un sujet qui suscite rarement le consensus… Par ailleurs, comme indiqué dans l’article de Sophie Blitman, notre souhait est bel et bien qu’une lab school puisse ouvrir dans le cadre de l’Éducation nationale, dans une banlieue défavorisée. Mais ce n’est pas possible sans le soutien des pouvoir publics. Les premiers échanges sont constructifs, mais la conjoncture électorale actuelle n’est pas propice à la prise de décisions et il va donc falloir patienter encore un peu…

  14. alo kanun says:

    Wake Up (oups un anglicisme, quelle outrecuidance, mea culpa) : l’école des années 70 c’était… dans les années 70, et c’était très bien comme ça !

  15. jenny says:

    Bien être & Bienveillance ai trouvé ce bel article de @bernard Jomard qui explique très bien comment gérer cela positivement à lire sur : http://bernard-jomard.com/2017/05/11/bienveillance-paradoxe-abilene/

  16. Eric says:

    Si l’encadrement de cette école appliquait ne serait-ce que le quart des promesses si attirantes et prometteuses de leur site…
    Hélas, grand hélas, le miracle n’existe pas. Nous l’avons vécu…

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